mercredi 25 mai 2022

"La Place" au fil du temps

Au Cadastre d'aujourd'hui, c'est la "Place des Halles". Mais c'est un nom qu'on ne retrouve pas sur le plan urbain communal, malgré la plaque éponyme visible sur le mur-pignon de la Médiathèque, à l'angle avec la rue de la Tranchée.
C'est un simple croisement de rues où l'on trouve quand même deux bâtiments historiques : la Halle, fort animée certains soirs d'été, et la Médiathèque, aussi centre de conférences, permanence de la vie culturelle de la Ville.
En face, une galerie d'art et un brocanteur-antiquaire pourraient, mieux signalés, attirer des passants...
Mais c'est le débit de boissons, lui aussi quasiment historique, qui participe le plus, surtout par sa terrasse, à l'animation du lieu ... qui reste malgré ce un peu triste.

La Halle, un pavillon de type "Baltard" sur une structure de type "Eiffel", achevé en 1897 (inscrit au Cadastre pour 1898) en remplacement d'un édifice en pierre de 1646.
La Médiathèque est installée dans l'ancienne "école des filles", construction achevée en 1912 (voir la plaque au fronton). C'est la deuxième école "Jules Ferry" de la commune.

Au début du 20è siècle, cette place était beaucoup plus animée, vraiment le centre de la ville. Deux cartes postales de la collection municipale peuvent en témoigner :
Le même débit de boissons qu'aujourd'hui (à gauche sur les photos), plus un restaurant face à la Halle.
Et sur la carte de gauche, à l'arrière-plan à droite, un groupe de ménagères devant une pompe à balancier : il y avait là un puits construit en 1895, alimenté par la source de Fontanille. On n'avait pas alors "eau courante à tous les étages" -elle arrivera en 1933- ...

Le cadastre Napoléon ne montre pas une animation commerciale de la place très importante ; ce sont pricipalement des immeubles d'habitation.
La halle de 1646 est dite "aux blés", ce qui semble un peu surprenant. Deux commerces de nécessité quasi quotidienne, boulangerie et boucherie, la voisinent.
Le "Grand Four" est un immeuble communal abritant essentiellement les salles d'école.
Anecdote, en mai 1869 le conseil municipal décide que "un canal aqueduc [sera] construit dans la grande rue pour recevoir, avec les eaux pluviales des toitures de nos maisons d'école communales, toutes les matières des fosses et latrines construites aux écoles de garçons, de filles et de la Mairie ... [jusqu'au] pont de la rivière". Et pour financer, on vote une imposition supplémentaire de 10% pour l'année 1870.
En juillet 1871, la partie °ancien four commun° du bâtiment, une grande salle inutilisée, sera transformée en "salle d'asile" (= école maternelle).

Le compoix de 1664 n'apporte pas beaucoup de renseignements, car les comptes des propriétaires de cette partie de la Ville (noms suivis d'un astérisque sur l'illustration ci-contre) ne sont pas parvenus jusqu'à aujourd'hui, brisant ainsi °la chaîne des confronts°.
Le marché couvert est bien présent. On dit qu'il fut construit en 1646 ; mais ... y aurait-il eu une "place couverte" encore plus ancienne ?... En mai 1483, un acte est rédigé par le notaire Antoine Robin "à Calvisson, rue principale allant au marché vieux devant maison des hoirs de Pierre Desayres" (source : Inventaire du notariat de Calvisson, par Y. Chassin du Guerny) ; sommes-nous alors dans cette Grand'rue de 1664 ou dans la rue principale du "Fort Vieux" ?

Le compoix °de 1588° ...


M. à J. 25/09/2023 - Le lieu est appelé "place des Aires" en 1486 (registre du notaire Jean Audibert - Merci à Nicolas Lawriw, paléographe à Congénies, pour cette information)

À suivre

lundi 16 mai 2022

1843 : Récit d'une escapade en Litoraria

Me promenant sur le site Internet "Patrimoine en Occitanie", j'ai trouvé par hasard, dans le journal "Courrier du Gard" des 28 avril et 2 mai 1843, un récit historico-touristique que je vous livre tel quel :
LES PÉRÉGRINATIONS SUR TERRE
ET SUR MER D'UN FEUILLETON

Intéressant et distrayant ... à mon humble avis.

L'article est signé "G.D." (quis ?), semblant °attaché° par profession (un avocat ?) au tribunal civil de Nîmes.
Apparemment un érudit comme il en existait au 19è siècle, ayant suffisamment l'oreille du journal pour être admis à y écrire ... Et un article-feuilleton, instructif et bien écrit, comme on n'en trouve plus dans nos feuilles de chou locales d'aujourd'hui, insipides et farcies de fautes d'orthographe ...

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Litoraria : °du rivage° (adjectif latin au féminin). Un nom qu'on retrouve dans diverses chartes des années 850 à 1100 (environ), censé désigner, pour sa partie gardoise, la °plaine° au sud d'une ligne Codognan-Lunel jusqu'à la Méditerranée (voir l'extrait de la carte de Cassini ci-contre) ; les limites est et ouest sont plus floues, pouvant englober, selon les °paroisses° des historiens, tout ou partie de la zone lagunaire, depuis l'étang de Berre jusqu'à Agde.
Une zone alors fortement marécageuse, peu habitée et peu exploitée, sauf pour le sel.
L'abbaye de Psalmodi était en ce temps °le centre d'intérêt° local ; une abbaye plusieurs fois détruite et toujours richement dotée à chaque reconstruction.

mardi 10 mai 2022

L'Hôpital des Pauvres

Actualisé au 10 mai 2022

La tradition locale dit que la rue de l'Hôpital desservait autrefois ... un hôpital.
Dans un acte notarié du 3 mars 1542 -François 1er était Roi de France- (V°Brozer), les Consuls et le Recteur des Biens des Pauvres de l'Hôpital arrentent (= donnent en location pour exploitation) les biens des pauvres dudit hôpital. Et le 23 novembre 1542 (V°Brozer), les mêmes arrentent un moulin à huile appartenant moitié à la Ville et moitié aux Pauvres de l'Hôpital (la Maison Margarot sera bien plus tard construite à l'emplacement de ce moulin).
Ces premières mentions, indirectes mais explicites, attestent bien de son existence.
Mais où était cet hôpital ? Au début de mes travaux sur la petite histoire de notre Ville, j'ai fait confiance aux °Historiens Anciens de Calvisson°, ayant tenu conférence ou ayant publié.
C'est ainsi que j'ai trouvé un plan (ci-contre) le situant très clairement. Mais...

Au début de l'année 2021, ont été numérisés de nombreux documents anciens. Dont les compoix (ancêtres du cadastre mais sans plan) de 1664, 1588 et 1548 (diocésain).

C'est ainsi qu'au compoix de 1664, un article du compte de la Communauté (V°Brozer) confronte et décrit "l'hospital pauvre", en dextres et en pans, les mesures alors en usage : du levant (est) et aure (nord) les carrières (rues), 7 dextres 1/3 et 1/4 (152 m²) de "couvert" (bâtiment) et 14 dextres (280 m²) de "jardin, parran ou cour".
Et l'article suivant décrit son annexe : "là tout près", du couchant et marin les chemins, 23 m² de "couvert" et 15 m² de "cour". Cette annexe sera délaissée en 1757.

Une analyse (trop) rapide (et influencée : le plan ci-dessus aurait-il été simplement °victime° d'une inversion des orientations cardinales ?) qui m'a fait publier le plan ci-contre en juillet 2021.
[Nota : dans ce compoix, la rue de l'Hôpital (aussi rue de la Fabrarie) et la rue de la Tranchée (aussi carriere Vedel) vont du levant (est) au couchant (ouest). Les immeubles riverains confrontent chaque rue du vendroit ou aure (nord) ou du marin (sud).]

Mais le doute me tenaillait 😉 : l'hôpital n'était plus °dans sa rue°... Alors, avec un peu plus d'expérience et en approfondissant les mesurages avec les superficies totales des parcelles, le plan qui suit me semble aujourd'hui beaucoup plus réaliste :

Au compoix de 1588, on retrouve au compte de "L'hospital" (V°Brozer) ces deux mêmes maisons, aux mêmes coins de rues.
La maison principale est située "à la Fabrarye" (la Forge) ; un nom qui mérite d'être élucidé...
Les voisins confrontés sont différents (plus de 75 ans d'écart entre les compoix) mais la disposition des parcelles (les "pièces" alors) est identique et les superficies sont comparables.

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Comment cet hôpital était-il agencé ? En mai 1674, au cours de sa visite pastorale, l'évêque de Nîmes Jacques Séguier (V°Brozer) y trouve une pièce meublée de "cinq lits garnis d'un peu de paille", une autre pièce avec un lit "pour retirer les femmes", et au bout une pièce "servant d'habitation pour l'hospitalier" ; et, devant le bâtiment, une pièce où "les pauvres se retirent pour manger et se chauffer en hiver".
En mai 1694 (V°Brozer), l'évêque Esprit Fléchier y trouve "une chambre pour les hommes à quatre lits sans paillasses, et en très mauvais ordre, et une petite chambre des femmes à un lit seul, l'une et l'autre chambre très obscures et très incommodes".
Enfin, en octobre 1722 (V°Brozer), l'évêque Jean César Rousseau constate simplement qu'il y a "un hôpital qui consiste en deux petites maisons destinées à la retraite des pauvres étrangers".
Les visites pastorales suivantes, jusqu'en 1782, n'en font plus mention.

Qu'est-il devenu ? Le 20 fructidor An III (6 septembre 1795), la commune vend, comme bien national de première origine (biens du Clergé ou des Congrégations), à un habitant de Calvisson, une "maison ou casal appelé vieux hôpital, cour, jardin et parran joignant, [contenant] 21 dextres (420 m²), [pour] 7 500 livres (≈ 107 000 €)". [F. Rouvière - L'aliénation des biens nationaux dans le Gard - p. 344]

Il y a aujourd'hui à cet emplacement une maison d'apparence ancienne. Était-ce auparavant ce °fameux hôpital° ? Il serait bien au bout (presque au bout...) de la rue éponyme ...