mercredi 25 janvier 2023

Quand le Roc n'était pas "de Gachone"

Les "trois moulins", au sommet de *la montagne* sont l'attraction touristique, méritée, et l'emblême du village. Tellement qu'ils sont aujourd'hui les *armoiries modernes* de la commune.

Trois moulins assis au sommet du "Roc de Gachone" ... Une appellation récente, apparue au cadastre Napoléon de 1835 : un quartier de la "section E des Moulins à Vent", qui a pour voisins "Champs de Perdrix", "Paloquine" et "Les Costes" (aussi section E), et "La Bagarède" (section G).

Les *Historiens Anciens de Calvisson* se sont attelés à trouver une étymologie occitane ou provençale à ce nom (un raisonnement anachronique ? cette langue n'est redevenue *à la mode* que dans la seconde moitié tardive du 19è siècle) ; et ils sont arrivés à "agachoun" (ou approchant), un vocable occitan/provençal censé désigner "un poste de guet" ("agachil" en occitan médiéval).
Restant plus simples, ils auraient pu trouver et élire "gachon", vocable aussi occitan médiéval, qui signifie "garde, sentinelle" ...

Mais ... Dans les registres anciens, compoix, délibérations consulaires, notaires, antérieurs à la Révolution, "gachon" et tout ce qui y ressemble n'existe pas.
*La montagne* y est appelée "puech (parfois "pioch") de la Bade" (parfois "du moulin à vent").

Au cadastre élaboré en 1791 (V° Brozer), elle est nommée "Montagne des moulins à vent", incluse dans la sixième section du territoire communal.
Au compoix dit "de 1664" elle est la base de la première clauzade, nommée "du puech de la Bade" (V°Brozer). Au compois "de 1588", pas de division globale du territoire ; mais compte après compte, plusieurs "pièces", essentiellement des "olivettes", sont situées "au puech de la Bade". Toutes, dans ces deux compoix, confrontent en tout ou partie "les patus", parfois "le chemin", sans autre précision.
Le compoix diocésain de 1548, construit en "terroirs" (et non par propriétaire) et rédigé en grande partie en occitan patoisant, ne fait aucune mention de la colline (manque d'intérêt fiscal ?) ; elle est vraisemblablement englobée dans l'article "garrigues et patus ordinaires", qui regroupe les terrains non cultivés ni construits appartenant indivisément et indistinctement à l'ensemble des habitants de la Communauté / du Consulat de Calvisson.

Anecdote ... Au compoix de 1588, Marguerite Gachoune y est propriétaire d'une olivette (V° Brozer) de 700 m² sise *au milieu de nulle part* ; Gachoune ↔ Gachone : une coïncidence ?
Cette olivette sera cédée, après mise aux enchères, en octobre 1768 par la Communauté, qui en supportait la taille, comme "herme et inculte", bien abandonné de Marguerite Gachonne, à Simon Bachet, meunier, habitant de Calvisson. pour la somme de 19 livres (≈ 345 €).

Pendant toute cette période, les actes notariés et les baux consulaires de "vacants" mentionnent, quand nécessaire, que le bien est sis "au puech de la Bade".

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Aujourd'hui visibles les vestiges encore debout de trois moulins à blé (au couchant) et, plus discrètes, les fondations d'un quatrième (celui du levant).
Quatre moulins décrits et dessinés au cadastre Napoléon de 1835 (illustration ci-contre).

Leur histoire semble depuis lors fixée et bien connue (peut-être mériterait-elle d'être affinée).

En octobre 1765, François-Estienne de Bonafous (le sujet d'un prochain article ?) déclare, pour l'imposition du "vingtième noble" (un prochain article aussi ?), "jouir par acquisition des hoirs du Sieur Jean Arnaud, d'un moulin à vent sur la montagne appelée de la Bade", qu'il dit peu rentable (30 livres, soit environ 540 € par an), "à cause de quatre autres moulins à vent qui ont été construits audit lieu" (Merci à M. François de Fabrique pour la communication de ce document).
De quoi remettre en cause certaines dates de construction affirmées par les *Historiens Anciens* ? Et la preuve qu'il y eut pendant °un certain temps° cinq moulins sur la colline ...

 

lundi 16 janvier 2023

Le lavoir du Pont

Un élément ancien du *mobilier urbain*, aujourd'hui malheureusement amputé et enchâssé dans son caveau de béton et ferraille ... et dégradé ...

Son installation fut décidée par délibération du conseil municipal du 18 mai 1842, pour remplacer deux auges servant déjà de lavoir et abreuvoir, "trop petites pour les besoins du quartier du Pont".

Ces auges, semblant être ici présentes de temps immémorial, étaient vraisemblablement posées sur la fugine (le chenal d'évacuation de l'eau) du moulin à blé qu'était, alors et depuis 1590, le bâtiment abritant aujourd'hui le restaurant *Carpe Diem* ; elles pouvaient ainsi être alimentées par l'eau de la rivière, s'échappant après qu'elle ait fait tourner les meules du moulin.

Elles semblent avoir été un temps alimentées par les eaux s'échappant en surplus de la "fontaine monumentale" installée au milieu de la place (voir l'article d'août 2021 sur la place du Pont).
Mais cette "fontaine monumentale", alimentée elle-même par la source dite "de Plaisance" (car elle courait et court toujours sous l'actuelle rue de Plaisance où plusieurs jardins ont des puits) était souvent à sec, tellement que le conseil municipal envisagea en août 1850 de construire "un canal" au-dessus de la rivière -nommée "la Meurthe" dans cette délibération- pour alimenter "les bassins du Pont" depuis la source de la Font-Vieille.
Cette "fontaine monumentale" sera déplacée en 1864 au nord de la place, puis démolie en 1895.

Un nouveau griffon, alimenté cette fois depuis la Grand-rue par le réseau de Fontanille, est construit sur la place en 1855 ; il sera déplacé en 1895 au nord de la place, là où on peut toujours le voir couler.
Les "eaux superflues" de ce griffon (Conseil municipal de mai 1851) alimenteront le lavoir.

Le réseau de Fontanille sera rénové et étendu en 1895/96. Mais il semble que le lavoir n'y sera directement raccordé qu'au début des années 1900. La carte postale ci-contre (collection municipale), ayant circulé en 1909, montre des travaux qui pourraient correspondre à ce raccordement.
Aujourd'hui le lavoir est toujours alimenté par ce réseau de Fontanille.

En 2005, un passage pour piétons est aménagé le long de la rivière entre le parking du 8 mai et la place du Pont ; et le tour du lavoir, jusque là couvert de sable et en pente douce, est rehaussé et bétonné.
L'aspect du lavoir est alors amputé de ses bacs à rincer, enfouis sous une poutrelle de ferraille ; et ce qui en reste visible, la seule partie *lavoir* ou *abreuvoir*, est enchâssé dans son caveau de béton ... et se dégrade (nombreuses fissures, fentes et lézardes) au fil du temps.

C'est ainsi que nous le voyons aujourd'hui.

mercredi 11 janvier 2023

Quand Jean Arnaud achetait la Ville

Jean Arnaud, Calvissonnais né en 1636, était un des Cent Gentilshommes de la Maison du Roi (gens du service domestique quotidien).
Une fonction semblant très rémunératrice, qui lui permit d'acquérir, dans les années 1678 et 1679, de nombreux biens des personnalités locales.

En septembre 1678, il achète à Madeleine de Freton, veuve de François de Rozel, seigneur de Servas (V° Brozer) :
- une maison dans la Grand'rue, contiguë à celle qu'il possède déjà,
- un moulin à eau et les terres qui en dépendent (environ 16 000 m² ; vraisenblablement le moulin *de Gauffrèze* ; voir l'illustration ci-dessous et la page sur les moulins),
- le (seul alors) moulin à vent du Puech de la Bade (aujourd'hui le Roc de Gachone). Dans l'acte est noté "exempt de tailles" ; c'est donc un bien *noble* dont l'histoire ne sera pas trouvée dans les compoix.
- la "grande terre de Maupas" (près de 4 hectares, voir l'illustration ci-dessous)
- et diverses autres terres, vignes, olivettes et aires en divers quartiers du terroir, pour un total de presque 70 000 m² (7 hectares),
le tout pour la somme de 6 000 livres (environ 215 000 € aujourd'hui).

Puis en octobre 1679, il achète au Marquis de Calvisson (V° Brozer) :
- le moulin à eau et les terres de Fouillaquet,
- le moulin à eau et les terres de Jalot,
- le moulin à vent de CampMartin (pour ces trois, voir l'article *Les Moulins du Marquis*),
- le pré de l'Ortolan (environ 6 600 m² près de la source de Fontanilles, voir l'illustration ci-dessous ; au cadastre Napoléon de 1835, c'est toujours un pré, sans construction),
- et une olivette "à las Costes" (environ 2 000 m², peut-être proche de l'ancien château),
le tout pour la somme de 5 500 livres (près de 200 000 € aujourd'hui).

Et, par le même acte, il acquiert du Marquis les charges de viguier et de juge au Marquisat, au profit gracieux du sieur Daniel Devèze, Docteur et Avocat de la ville de Nîmes, pour la somme de 3 400 livres (environ 120 000 € aujourd'hui).

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Quelques illustrations, faites sur des captures d'écran Géoportail®

Le moulin de Gauffrèze
La Grande terre de Maupas

Le pré de l'Ortolan