dimanche 16 juillet 2023

Les portes de la Ville

→ actualisé au 16 juillet 2023 ←

Les *Historiens Anciens de Calvisson* sont presque unanimes dans leur allégation : le "rempart" de "la ville remuée sur la pente" (ainsi écrivait Mme de Castelane en 1571) est achevé au cours des années 1480 à 1490.

Et ils ont recensé trois portes permettant d'entrer et sortir :
- la plus importante est située près du Pont, au pied de l'actuelle Grand-Rue ; dénommée "Le Pont" dans les conseils consulaires, elle est parfois nommée par eux "Le Rampan" (qu'ils traduisent par "le Jardin" mais qui serait plutôt "le Rameau" -à bénir ?-) ;
- la deuxième est la porte de Florent, où l'actuelle rue des Fontaines rejoint la rue Baratier ;
- la troisième est la porte Pradonne, où la rue éponyme rejoint aujourd'hui la rue de l'Herboux ; on peut y deviner le bas d'un pilier, malheureusement enfoui sous le crépi du bâtiment voisin.

* * * * * * *

Mais ... Au registre des délibérations consulaires des années 1590 à 1592 (V°Brozer), on trouve ce compte-rendu de la réunion du dimanche 24 novembre 1591 (extrait reproduit ci-dessous) :

Décrypté et converti en français d'aujourd'hui, est écrit : "A été arrêté aussi que messieurs les consuls feront fermer les portes de Larboux et de Pradon et qu'on ne tiendra de toute la semaine prochaine que le Pon et Flouran"

Aurait donc été oubliée des auteurs la porte de Larboux (vraisemblablement l'Herboux aujourd'hui). On peut penser qu'elle se trouvait au bas de l'actuelle rue du Temple.

Ainsi donc, il y avait alors quatre portes dans le °rempart°. Mais... était-ce vraiment un °rempart°, qui aurait été destiné à soutenir un siège et supporter une attaque de machines de guerre ?... Ou était-ce simplement une "muraille", destinée à protéger la ville des indésirables comme les pauvres et/ou les malades, percée de portes (gardées) et de passages (confiés à la surveillance des habitants voisins) que l'on pouvait fermer en cas de besoin ?
Il semble même plus vraisemblable qu'il n'y avait pas de muraille °spécifique°, les murs des maisons et jardins formant simplement le °tour de ville°.

Et puis... Dans l'impasse Apparent subsiste une arche, qui semble porter la date °162x ?° à la clef de voûte. Une cinquième porte, plus tardive ?

Enfin en 1649 sont mentionnées dans des réunions du "Bureau établi pour la Garde de la Santé", la "porte du Chemin Neuf", à la jonction de la rue éponyme et de la place Jean Cavalier, et "la porte du chemin qui va de l’eau au Griffon", où la rue du Moulin à huile débouche sur la rue Baratier.

→ Fin mars 1728, le Conseil de la communauté "donne pouvoir aux Maire et consuls de faire vendre les porte et barrières qui ont servi lors de la contagion, ... attendu le dépérissement, ... à celui qui en fera la condition meilleure." ←

* * * * * * *

Par ailleurs, au compoix de 1588, plusieurs °pièces° sont recensées au "lieu" appelé "à la barrière -de l'hôpital-". Cette appellation mérite une recherche plus approfondie.

* * * * * * *

vendredi 7 juillet 2023

Guillaume de Nogaret, rentier de Calvisson - 2nde partie

L'estimation de la rente a donc été faite deux fois : en 1304 à sa naissance, puis en 1322 sur demande royale. La mise en parallèle des deux comptes-rendus est très instructive sur les méthodes, les lieux et éléments, et sur l'évolution du coût de la vie (déjà ...).

En 1304, les commissaires délégués par le Sénéchal de Beaucaire & Nîmes, Bertrand Jourdain de l'Isle, sont "Seigneur Pierre Jean, docteur en lois, avocat du Roi, Maître Hugo de Porte, procureur du Roi, et Yvon Girard, recteur du Roi à Montpellier". Ils se rendent "au *castrum* et viguerie de Calvisson" où ils font venir seulement "des hommes qui commandent ("presidere") pour le Roi", essentiellement les baillis ; sont ainsi présents pour Calvisson, Guillaume Margarot, bailli de Sinsans, et Bernard de Ricol, bailli de Livières (on ne sait pas qui représente le *castrum* de Calvisson).

En 1322, le Sénéchal de Beaucaire & Nîmes, Guy Chevrier, délègue Bertrand Castel, docteur en lois, juge de Nîmes, qui s'adjoindra Hugo Beti, "expert en droit", puis Robin Seguin, servant (sergent ?) de la cour royale de Nîmes. Ils se rendent dans chaque "lieu" où ils assemblent des prud'hommes locaux pour les assister dans l'estimation.
Pour Calvisson, y compris Sinsans, Bizac et Razic "qui sont du même consulat", sont ainsi présents Guillaume Gaufred, Jean Coyran, Pierre Favari de Condamine, Raymond Franch, Pierre Alziac et Pierre Raynaud, "tous de Calvisson", qui jurent "sur les saints évangiles de Dieu de bien et fidèlement examiner la valeur, la nobilité et la condition du dit lieu, que le seigneur de Calvisson tient ... du seigneur Notre Roi ... comme assise [de la rente à lui accordée et] d'en faire fidèle et légale relation".

En 1304, Calvisson (annexes compris) compte 260 feux ; en 1322, il y en a 397. La "cause de l’augmentation [du nombre] de ces feux" est attribuée par les prud'hommes à "la division entre frères et successeurs", et à la venue de "plusieurs [qui] viennent dans ces dits lieux pour habiter sans avoir ou posséder d’immeubles, qui sont appelés forains ("bedocci") c’est à dire étrangers".
La valeur de ces feux augmente sensiblement : de 3 sols en 1304 à 4 sols en 1322 (comme Marsillargues et Clarensac, mais Caveirac et Congénies °ne valent que° 2 sols & 8 deniers). Un effet de l'érosion monétaire ? de l'augmentation du coût de la vie ? du pouvoir de Nogaret, seigneur °de plein exercice° possédant ici toutes les justices et juridictions ?
Ou encore de la °qualité° des habitants ? En 1322, il y a "6 maisons de [familles] nobles, tant de bonne que de moindre origine" (noblesse de naissance ≠ noblesse acquise ? noblesse d'épée ≠ noblesse de robe ?).
Mais "il n’y a pas encore ici de marché, ni de foire, et il n’est pas exercé ici de commerce, mais selon la règle [les habitants] vivent de leur travail personnel de culture".

Voilà pour les habitants ... Pour les lieux, les comptes-rendus comparés sont plus intrigants.

En 1304, Calvisson est appelé "castrum", comme Clarensac et Bernis, qui sont assurément ceints de murailles (les autres lieux sont qualifiés de "villa") : un village "fortifié" ?
Des (maçons et) tailleurs de pierres relatent leur estimation de "deux tours et un logis ("hospicium") royal". Cette estimation a fondé le mythe du *château de Guillaume de Nogaret* fort prisé des *Historiens Anciens de Calvisson*.
Mais l'estimation ne mentionne pas le mot "castellum" qui aurait vraiment désigné un château, ni que les tours et le logis sont ensemble au même endroit. Il est simplement écrit que "la somme totale estimée de l'édifice [est] de 1 022  livres", valant une rente de 40 sols (511 ans).

En 1322, il est écrit : "Les dits lieux ne sont pas remarquables, excepté dans le lieu de Calvisson, où il y a des fortifications de tours, situées en un lieu élevé, au sommet de la montagne".
Le village se serait-il étendu au-delà des ses murs, en même temps que l'augmentation des feux ? En tout cas, le mot "castrum" n'est plus mentionné (Bernis est toujours qualifié de "castrum" et les "murailles qui ceinturent" Clarensac sont citées) ; Calvisson est un simple "locus [qui] n'est pas remarquable", présenté comme tous les autres °simples lieux° visités par les "commissaires".
"Des fortifications de tours, en un lieu élevé, au sommet de la montagne" ... Les deux tours estimées en 1304 ? sans le "logis royal" ? qui n'ont plus de valeur °personnelle° et ne valent plus de rente en 1322 ? Le village est en ce temps établi sur la butte où sont aujourd’hui visibles les vestiges du château *Louet 1597*. Alors, ces deux tours, au sommet du Roc de Gachone, où sont aujourd'hui les moulins ?
→ Un emplacement, somme toute, logique pour un éventuel °château de l'an mil° ...

En tout cas, en 1322, il n'est pas mentionné de maison "remarquable" et on ne trouve pas dans le compte-rendu le mot "château", ni "castrum" ni "castellum" ... Surprenant ... Il n'est pas non plus mentionné d'enceinte ni de murs ceinturant le village.

→ Des théories à revoir ?

* * * * * * * * *

À Livières, en 1304, il y a 8 feux, valant chacun 2 sols. En 1322, les prud'hommes, qui sont Guillaume de Bagnols, viguier de Calvisson, et Martin Guiraud, déclarent : "il n’y a ici que deux maisons : le logis du seigneur de Calvisson et la "maison claustrale de l’église de Livières, dans laquelle le dit Martin habite (le curé de Livières ?), même si dans un registre ancien étaient recensés autrefois huit feux, au fur et à mesure tout fut détruit" ; chaque feu est estimé pour 2 sols 8 deniers seulement (comme pour Congénies et Boissières, mais 4 sols pour Calvisson et ses annexes).
Dans les deux estimations, Nogaret a ici la haute justice (pouvant prononcer la peine de mort) et la huitième partie des juridictions mineures ; les autres parties appartiennent à des coseigneurs inférieurs […] qui les tiennent (en fief ou en alleu ? ce n'est pas dit) du Roi en 1304, du seigneur de Calvisson en 1322.

Ainsi donc, en 1322 (et depuis quand ?), Nogaret n'habite pas à Calvisson mais à Livières. Dans le "logis royal" estimé en 1304 ?

→ Une autre théorie à revoir ?