samedi 29 janvier 2022

Visites pastorales au temps de Louis XIV

Depuis le Moyen-Âge, les évêques font régulièrement la visite des paroisses de leur diocèse ; aujourd'hui encore, l’évêque a l’obligation de visiter chaque année son diocèse en tout ou en partie, de telle sorte qu’il le visitera en entier au moins tous les cinq ans (V°ici).

Pour le temps de l'Histoire, j'ai retenu deux comptes-rendus de ces visites concernant notre paroisse de Saint-Saturnin : en mai 1674 par Jean-Jacques III Séguier de La Verrière, évêque de Nîmes de 1671 à 1687, (V°Brozer) et en mai 1694 par Esprit Fléchier, évêque de 1689 à 1710 (V°Brozer).
À vingt ans d'écart, il m'a paru intéressant de les mettre en parallèle.

Séguier - 1674 Fléchier - 1694
- "visité et complimenté par les Juge, Officiers, Consuls en chapperon ... conduit à l'église paroissiale"


- accompagné seulement d'hommes d'église
- s'exprime en utilisant le "nous" du pluriel
- "salué par la Compagnie de Bourgeoisie sous les armes, et complimenté par le Juge et Maire à la tête des Consuls et de la Communauté ... allé processionnellement à l'église, sous le dais porté par lesdits Officiers, Maire et Consuls"
- accompagné en permanence de tous les notables
- s'exprime en utilisant le "nous de majesté"
- il n'y a pas de tabernacle dans l'église et les fonts baptismaux ne sont pas couverts
- il n'y a pas d'armoire pour ranger les ornements, vases et autres objets liturgiques
- l'église est en bon état, les deux portes ont chacune un bénitier de pierre
- la porte du côté de l'évangile (qui sort vers le nord) conduit à la maison presbytériale récemment rebâtie par le Chapitre
- la porte de la nef ouvre vers l'ouest sur "les restes de l'ancienne église ... encore ruinée depuis les guerres de la Religion" sous "un petit clocher à la capucine où il y a une cloche suspendue du poids d'environ 50 livres (25 kg)"
- les meubles, objets, ornements et vêtements liturgiques sont en bon état
- "les fonts baptismaux ... de pierre de taille [sont] sur un piédestal trop petit et peu décent ... la cuvette de cuivre où sont les eaux baptismales est trop petite"
- "la nef [est] séparée du presbytère (alors la partie du chœur où se trouve l'autel) par un balustre de pierre de taille" ; [il y a] "un bénitier de vieille pierre fort indécent"
- les murs sont en bon état mais les vitres et les couverts ont besoin de réparations
- il n'y a pas de maison presbytériale
- la cloche est trop petite
- le cimetière (catholique -celui appartenant aux habitants de la Communauté R.P.R. est situé à l'Herboux-) est "au bout de ladite église ... clos de murailles ayant deux portes toutes ouvertes ... point trouvé de Croix" - le cimetière (catholique) est en "bon état excepté que la grande croix du milieu est abattue"
- grandement accompagné, visite l'hôpital situé "au bout du lieu, du côté des masures du château ... un membre (une pièce) [avec] cinq lits garnis d'un peu de paille ... un autre membre [avec] un lit pour retirer les femmes ... et un autre membre servant d'habitation pour l'hospitalier qui est de la Religion P. R."
- il y a six paires et demi de linceuls (draps) et cinq couvertures
- à l'hôpital (administré par les consuls catholiques), "une chambre pour les hommes à quatre lits sans paillasse et en très mauvais ordre, et une petite chambre des femmes à un lit seul, l'une et l'autre chambre très obscure et très incommode"
- les comptes n'ont pas été rendus depuis plusieurs années et on a négligé le recouvrement de plusieurs legs faits aux pauvres
- il y a un Bureau de Charité (le notaire Antoine Petras en est le Procureur)
- "il y a [dans l'église] cinq chapellenies(*) [que le Clergé dit usurpées par] les administrateurs de l'hôpital tous de la Religion P. R. qui ne font faire aucune prière ni service ... et deux fondations(*) délaissées" - il y a toujours cinq chapellenies(*) et deux legs-pies(*) : l'un pour les "Cinq Plaies" (du Christ) et l'autre pour "Notre-Dame de Tallacaire" ; aucun service ne leur est fait
Ordonnance Ordonnance
- seront fournis par les "fruits-prenants"(*) un tabernacle, divers objets liturgiques en argent et une chasuble avec ses ornements
- les fonts baptismaux seront couverts et fermés à clef, de même que les armoires à construire pour ranger les objets et vêtements liturgiques
- un confessionnal sera construit par les habitants et placé sous la chaire
- les ouvertures du cimetière seront garnies de portes fermant à clef
- les administrateurs de l'hôpital, qui sera désormais géré par les consuls catholiques, fourniront leurs comptes complets
Très longue, très fortement avantageuse pour l'Église et coûteuse pour les habitants et la Communauté (copie ci-dessous)
Le "sacrement de confirmation" est -in fine- "administré à une vingtaine de personnes" - "il y a environ neuf cents communiants (alors, personnes participant à la messe) [dont] cinquante anciens Catholiques qui ont satisfait au Devoir Pascal et le reste nouveaux dont trente environ y [= au Devoir Pascal] ont satisfait"
- "on prêche le Carême, dont la rétribution de cent livres (≈2 800 €) est payée cinquante livres par le Chapitre de Nîmes, Prieur, et cinquante livres par la Communauté"
(*) Un prochain article précisera les services et bénéfices alors attachés à l'église Saint-Saturnin

dimanche 23 janvier 2022

Les croix disparues de Calvisson

De mes promenades sur les chemins de notre commune, je ne me rappelle pas avoir jamais vu une "croix monumentale", ni au long de quelque chemin, ni à quelque croisement. C'est pour moi "une curiosité de Calvisson".
Peut-être mon souvenir est-il défaillant ; peut-être n'ai-je pas pris les "bons chemins", peut-être ai-je mal vu ou mal regardé. Peut-être l'un de vous, lecteurs, me donnera-t-il "le bon endroit" ...
Pourtant, dans les vieux livres, on trouve des traces écrites de leur existence.

* * * * * * *

La croix la plus récente est celle ayant été présente de ≈1818 à 1886 sur la place du Pont. J'ai conté sa fin dans un billet du 11 avril dernier. Je n'ai pas encore trouvé l'histoire de sa genèse.

Plus avant dans le temps, on trouve deux croquis dans le Terrier du Bureau de Charité.

L'un de 1706 (V°Brozer) montre une croix qui serait aujourd'hui sur la place Mireïo ; le lieu était alors appelé "le rampan" (certains traduisent ce mot par "jardin" mais en occitan comme en provençal ce serait plutôt "rameau" ... à bénir à l'église).

L'autre de 1698 (V°Brozer) montre la Croix de l'Herboux, près de la "Fontaine de la Croix" aujourd'hui cachée sous une maison de la place.

Le notaire A. Petras, Procureur des Pauvres, y fait référence à la reconnaissance originelle d'avril 1458 (240 ans plus tôt), rédigée en latin, qui portait sur un jardin situé, selon lecture qu'on peut en faire, "prope trinium crucis" ("proche des trois croix") ou "prope trivium crucis" ("proche du carrefour -à trois voies- de la croix").

Un calvaire (trois croix) à cet endroit ? Alors situé "hors les murs", à l'entrée -ou à la sortie- du "chemin des Marais" qui, par les Baraques de Codognan, Aimargues et l'abbaye de Psalmody, relie Calvisson à Aigues-Mortes (via quae discurrit in Littoraria -la voie qui est utilisée paur aller au littoral-), un chemin "à risques" qui, peut-être, aurait "justifié" la présence d'un calvaire.
Mais "proche du carrefour de la Croix" semble plus vraisemblable ...
Au compoix de 1548 (90 ans plus tard), l'endroit, habité au nord de la rue, est appelé "a la Cros de la Longa" : "à la Croix de la Longue" ? ou "à la Croix de la Longe" ? Je n'ai pas trouvé de raison, étymologique ou historique, pour trancher entre les deux ; sauf, peut-être, qu'une croix fichée directement dans le sol sans socle haut est parfois appelée "longue".

Au compoix de 1588 (V°Brozer), on trouve quelques parcelles sises "à la Croix de Jacques Robin", un lieu au long du grand chemin allant de Nîmes à Sommières, mais qu'on ne peut encore situer précisément.
Qui était Jacques Robin ? Je n'ai trouvé aucun propriétaire portant ce nom. Y avait-il vraiement une croix à cet endroit ? Ou était-ce simplement un croisement de chemins ?

On y trouve aussi des "pièces" sises "à la Croix de Margarot" et d'autres "à la Croix de Done Velle" ; mais rien pour le moment ne permet de les situer ...

vendredi 14 janvier 2022

Quand les cadrans solaires parlent

"TARDIUS EST CAMPUTAS"
= "tardius est quam putas"
= il est plus tard que tu -ne- penses
"VULNERANT OMNES, ULTIMA NECAT"
= toutes blessent, la dernière tue
"ULTIMA MULTIS"
= la dernière de nombreuses
daté : le 5 septembre 1710
"ULTIMA FORSAN"
= peut-être la dernière

Tous sont dans notre ville.
Un tableau qui ne demande qu'à être complété.
Merci d'avance.

jeudi 6 janvier 2022

Les moulins de Fouillaquet

Cadastre Napoléon
Cadastre 1932-1955
Cadastre aujourd'hui

Au compoix diocésain de 1548 est mentionné imposable (V°Brozer) "un moulin de [Messire Jehan] Arlier (notaire à Calvisson ? ou Jean d'Arlier, frère de Catherine ci-après ?), à deux meules et deux fozilhes (= deux "fusils" = deux canons, pour deux arrivées d'eau, une pour chaque meule), confronte le valat de Cagaraule" (mes compétences en paléographie sont insuffisantes pour transcrire la totalité de l'article d'imposition).

Au compoix de 1588 est imposable pour "Monsieur de Nages et Catherine Darlier sa femme" (François [de] Barrière {1530-1608}, seigneur de Nages ; Catherine d'Arlier {ca1534-1616}) "un moulin à blé sur la rivière de Cagalaure avec ses pessieres (l'ensemble composant le barrage qui permet la dérivation de la rivière pour alimenter le moulin) et appartenances ... pour deux meules courantes" (V°Brozer).
Le moulin est ensuite imposé au nom de M. de Boucouyran (Guillaume de Calvière {1547-1632}, seigneur de Boucoiran, mari de Isabeau [de] Barrière {1571-1647}, fille de François).

Ce moulin et l'ensemble des terres en dépendant semblent avoir été acquis par le Marquis de Calvisson en mai 1651.

Au compoix de 1664 est imposable "Noble Jean de Louet etc., Seigneur Marquis de Calvisson etc.", pour "un moulin à blé à la rivière de la Cagalaure appelé de Foulhauquier, y ayant deux meules à moudre avec son écluse, pré et terre, le tout joignant ...".

Ce moulin est vendu en octobre 1679 à Sieur Jean Arnaud, un des Cent Gentilshommes du Roi. Le compte de Jean Arnaud n'est pas arrivé jusqu'à aujourd'hui ; on perd ainsi la trace du moulin.

Jusqu'au Cadastre Napoléon, où c'est toujours un moulin à eau en activité, exploité par Louis Pagès, habitant "au Pont" (le père de Louis Pagès, "enterré" dans le "moulin pointu" du Roc de Gachone ?).
N.B. : le "moulin à vent" voisin n'apparait (mention et dessin) que sur le plan d'alignement de 1871.