lundi 12 juillet 2021

Les chemins du commerce extérieur calvissonnais en 1785

En cette fin de 18è siècle, peu avant la Révolution, quelle était l'activité "commerce extérieur" de la Communauté de Calvisson ? Quelle était son "aura" sur les autres villages de la Vaunage ?

Le compte-rendu du conseil politique du 13 février 1785 (V°Brozer) semble très instructif : "Ville posée dans le centre de la Vaunage ... environnée de plusieurs villages et hameaux ... et à proximité notamment de Nîmes et Lunel, ... tous les chemins qui communiquent dans le circumvoisinage sont impraticables ... impossible aux voitures [et] charrettes de passer, surtout en hiver, ce qui occasionne une lenteur au commerce, ... principalement commerce et fabrique des eaux-de-vie ..."

C'est pourquoi le Conseil "supplie humblement MM les Commissaires du Diocèse de faire ouvrir et construire, aux frais du Diocèse, trois chemins d'une grande importance par rapport au commerce ...".

1°) "celui qui se détache du chemin diocésain au pont de la Fontaine du Vert" ... qui conduit à Aigues-Vives puis passe par Gallargues jusqu’au Pont de  Lunel, "d'une utilité indispensable car ... le principal revenu des habitants [de ces trois lieux] n'est que la récolte de leur vin, absolument bon qu'à faire distiller en eau-de-vie ..." ;

2°) "le chemin qui conduit à Boissières ... de tout point praticable dans aucun temps ni saison", puis "au lieu d'Uchaud, ce qui donnerait encore une facilité aux voitures pour aller à la ville de Saint-Gilles chercher du bois ou doilles [douelles] propres à faire les tonneaux de futaille à tenir l'eau-de-vie" ;

3°) "le plus utile et nécessaire, qui part de l'endroit appelé L'Enquette et qui conduit [à] Saint-Étienne-d'Escattes et de là au Grand Chemin qui passe au-dessus de Combas, conduisant dans plusieurs villes des Cévennes et notamment à celle d'Alais ... procurerait les denrées et marchandises nécessaires dans tout le pays bas, ... surtout le bois des environs de Combas, Vic, Fontanès et autres ... encore le charbon de pierre de la mine d'Alais ... fort en usage aux fabriques d'eau-de vie ..." 

À suivre ...

mercredi 7 juillet 2021

Quand Calvisson tournait le dos à la Vaunage

En février 1780 (V°Brozer), le Diocèse de Nîmes informe nos consuls de son projet : ouvrir un chemin depuis Saint-Dionisy pour rejoindre le nouveau chemin qui relie Calvisson à la grande route de Nîmes à Montpellier, en passant près des Baraques de Codognan.

Quoique "on tire du côté de Marsillargues, Aimargues, Le Cailar et  Saint-Laurent, et autres du pays bas", le Conseil politique approuve ce projet "pour faciliter l'exportation des eaux-de-vie et autres denrées de Saint-Dionisy, Clarensac, Caveirac, Langlade et autre lieux du circumvoisinage au Canal de Lunel [et] l'importation des grains nécessaires  à la subsistance des habitants, de même que pour le fourrage nécessaire aux bestiaux".

Mais ... il y aura "des indemnités à payer pour prendre le terrain nécessaire sur les fonds des particuliers". Alors le conseil met pour condition que "le montant des indemnités [soit limité] au fond qui sera pris dans le territoire de Calvisson".

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La carte de Cassini (illustration en cartouche) est éloquente : Calvisson ne communique facilement qu'avec les villes du sud et les autres villages de la Vaunage sont bien enclavés.

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En mai 1781 (V°Brozer), nos consuls soupçonnent ceux de Saint-Dionisy d'avoir intrigué auprès du Diocèse pour obtenir un tracé qui leur soit plus favorable au détriment des habitants de Calvisson : [entre autres] ... le chemin, sur Calvisson, ne sera empierré que sur deux toises et demi et douze pouces (≃ 5 mètres) alors que Saint-Dionisy aura trois toises (≃ 6 mètres) ... et le pont à construire sur le Rhôny, à une seule arche, risque d'augmenter les crues du Rhôny et de créer des inondations sur le territoire de Calvisson, "qui se trouve plus bas".

Le Conseil politique en "fait représentation" au Diocèse par écrit. Ayant reçu réponse aussi écrite du Syndic du Diocèse, le Conseil, apparemment rassuré, "laisse à la prudence et sagesse de MM. les Commissaires du Diocèse ... de faire ce qu'ils jugeront de plus convenable" (juillet 1781 - V°Brozer).

Le chemin est ouvert à la circulation en mai 1784. En août 1784, un arpenteur est nommé pour expertiser et évaluer les indemnités à verser aux particuliers pour la perte de leur terrain. Le rapport de l'expert est remis en octobre 1784 : 10 particuliers sont concernés pour une indemnité totale de 400 livres 12 sols et 6 deniers (≃ 6 200 € - V°Brozer).

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Le Diocèse avait envoyé un tracé du chemin à nos Consuls. Il est peut-être aux Archives départementales et il sera peut-être accessible un jour après numérisation.

Au plan du cadastre Napoléon, "terminé sur le terrain le 1er août 1835", il n'y a qu'un "chemin de Calvisson à Saint-Dionisy". Il est reproduit sur une carte IGN moderne, restituée en noir et blanc pour une lecture plus facile, dans l'illustration ci-contre.

Ce chemin fut-il "un déclencheur" ? En février 1785 le Conseil politique constate que "la Ville est dans le centre de la Vaunage", que "les chemins sont impraticables, ... ce qui empêche le commerce d'avoir toute son activité", et en conséquence demande au Diocèse d'ouvrir ou de rouvrir après réparations trois chemins qui lui semblent essentiels.

Cette "petite histoire" sera pour un autre billet.

mardi 6 juillet 2021

Une promenade érudite en 1902

Le 15 avril 1902 parait dans le journal L'ÉCLAIR l'annonce d'une excursion de type scientifique : "La société d'étude des sciences naturelles de Nîmes et les Clubs Alpin et Cévenol feront une excursion publique aux environs de Calvisson et de Nages, le dimanche 20 avril prochain."

Avec deux précisions importantes pour l'époque :
- "Les dames sont admises." (ce n'était alors pas souvent le cas ...)
- "Cette excursion se fera en voiture." (automobile ? ou à cheval ?)

En attendant la communication du programme détaillé, il était déjà possible de s'inscrire, chez le secrétaire de la société, au Muséum d'histoire naturelle.

Ce programme, détaillé, est publié dans le journal LE PETIT RÉPUBLICAIN DU MIDI du 19 avril 1902.
- Rendez-vous au siège de la société, 6, quai de la Fontaine, à 5 h. 3/4 du matin ; départ en voiture à 6 h. précises 
- route de Sauve jusqu'à St Peyre [aujourd’hui Saint-Pierre-de-Vaquière] ;
- route de St-Mamert à Calvisson à partir de St Peyre ; arrêt au haut de la côte de Clarensac, panorama splendide ;
- descente sur Clarensac à pied, 1 km 1/2 ;
- reprise de la voiture au bas de la côte ; traversée de Clarensac et de St-Côme et arrivée au mas de Loche [c'était alors une ferme connue à Maruéjols - V° Dictionnaire Topographique du Gard], à 8 h. 1/2.
- Petit déjeuner.
- 9 h. : ascension du mamelon de Morassip [aujourd'hui le Mouressipe], petit oppidum gallo-romain ; nombreux vestiges de l'occupation romaine ; emplacement de l'antique Ardessan [habitat ancien sur la commune de Saint-Côme]. Retour à St-Côme et au mas de Loche. Aller et retour 3 km.
- Départ 10 h. 1/2, en voiture pour Calvisson. Arrivée à 11 h. 1/4.
- Ascension du roc de Guchom [aujourd'hui Gachone] ; Vue panoramique superbe. Descente sur Calvisson.
- Midi 1/2, déjeuner, repos.
- 3 heures, départ de Calvisson en voiture.
- 3 heures 1/2, arrivée à St-Dionisy ; ascension de la montagne de Nages [la Roque de Viou aujourd'hui], couronnée par les Ruines imposantes du vaste Oppidum celtique et gallo-romain de ce nom.
- 5 heures 1/2,descente sur St-Dionisy et départ en voiture. Arrivée à Nîmes vers 7 heures (de nos jours, c'est un peu plus rapide ...).

Une promenade qui, aujourd'hui encore, serait à faire "au pas de course" ...

Quand la justice était vraiment de proximité

En décembre 1775, "le Conseil politique de la Communauté de Calvisson assemblé à l'issue des Vêpres dans l’Hôtel de Ville" décide, sur proposition du Premier Consul Maire, que sera créé un "Bureau en règle pour ce qui concerne la petite police".
Quatre conseillers sont alors nommés "policiers".

En août 1778, on trouve le compte-rendu d'une réunion de ce bureau, renouvelé à chaque élection consulaire :

"... au mépris des arrêts de règlement et défense faits par la police, ... journellement ... plusieurs particuliers du présent lieu, leurs femmes, enfants et domestiques ... [font] des ordures et saletés aux fontaines ... en y lavant leurs lessives, herbes et salades terreuses, de même que les tombades et fritures des moutons et agneaux, ... et autres immondices capables de corrompre et infecter les eaux des fontaines qui sont de prix inestimable pour l'utilité des habitants ..."

"... la femme de Pierre E. dite V. fut trouvée lundi dernier ... à laver des tombades ou fritures de mouton dans la première pille [le premier bassin où arrive l'eau la plus claire pour le rinçage] de la fontaine de Flurant, qui est la seule réservée pour le public pour prendre de l'eau ou l'abreuvage du gros bétail ..."

Ladite femme V., immédiatement amenée devant les policiers par le Valet de Ville, avoue "[n']avoir lavé qu'au bas de la première pille ... et n'a pas cru que cela peut infecter les eaux".

Tenant compte de sa comparution et de son aveu, le Bureau la condamne "à l'amende de 12 sols [± 9 € aujourd'hui] ... avec défense de récidiver sous plus grande peine".

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Quelques années plus tard, pendant la Révolution, existait dans la commune un "règlement de police applicable aux pauvres".
En octobre 1790, au matin, 5 gardes nationaux calvissonnais, en patrouille sous la conduite d’un capitaine, "trouvent du monde à boire chez Antoine D., aubergiste, auquel ils disent de les mettre dehors". L’aubergiste répond qu’il a le droit de servir à boire jusqu’à 10 heures.
Visiblement, il n’est pas 10 heures, car "la patrouille se retire".

Une deuxième patrouille, après 10 heures, "trouve encore du monde à boire chez ledit D., des étrangers et des habitants de la ville".

Une troisième patrouille, "sur les onze heures", trouve "deux personnes au rez-de-chaussée … ayant une bouteille pleine de vin, et dans une pièce au premier étage quatre personnes … assises autour d’une table sur laquelle il y avait une bouteille vide".
L’aubergiste répond que "ceux-ci ne boivent plus" ; alors "la patrouille se retire sans bruit".

Rapport des patrouilles est fait le soir même au conseil des officiers municipaux, réuni spécialement pour cette affaire. Procès-verbal en est dressé.

Sur réquisition du procureur de la commune, l’aubergiste est convoqué incontinent. Après qu’il ait été entendu, il est condamné à une amende de 6 livres [± 84 € aujourd’hui] au profit des pauvres de la commune.