jeudi 16 septembre 2021

Le Moulin des Pauvres de l'Hôpital

C'est l'autre moulin "historique" de la Ville.
On en trouve, peut-être, la première mention dans un acte notarié de mai 1481 où "discret Bertand Freton" (le curé de Saint-Saturnin) et un autre habitant vendent "des revenus à prendre sur un moulin à huile sous l'église" de Calvisson.

Et, assurément, un acte notarié de novembre 1542 : les consuls et le recteur des biens des Pauvres de l'Hôpital arrentent (donnent en location pour exploitation) ce "moulin de la Ville et des Pauvres".

Au compoix diocésain de 1548, le moulin est ainsi identifié : "au Pont, la Communauté et l'Hôpital des Pauvres, un moulin à huile avec tout son garniment et puits, confronte du levant (est) avec la rivière, couchant (ouest) et vendroit (nord) les carrieres ..." ; accolé au sud, se trouve le jardin "de l'Hôpital".

Plus tard, pendant la période troublée des premières guerres de religion (1565-1585), le moulin fut "complètement incendié". En 1586, les consuls baillent à Dournin Valz, charpentier, la reconstruction du moulin. Deux événements rapportés en 1713 par le Notaire Antoine Petras, Procureur des Pauvres, dans le Terrier du Bureau de Charité.
En mai 1590, ledit Dournin Valz demande aux consuls d'évaluer le moulin "de l'Hôpital" qu'il vient de faire construire, probablement pour estimer la rente (la pension) due à l'Hôpital pour les Pauvres (délibérations consulaires).

Au compoix dit de 1588 (vraisemblablement 1588-1592), le moulin apparaît bien inscrit au compte de Dournin Valz : "un moulin à huile près du Pont, confronte du levant la rivière, couchant et vent droit les carrieres et midi le jardin de l'Hôpital".

Le "Moulin de Valz" -Dournin, Pierre, Claude, puis Isaac, puis François, Ministre de l'église d'Aimargues, ...- est au fil du temps, vendu par parts ; au compoix de 1664, il est partagé entre douze copropriétaires.
Parmi eux, le notaire Jean Mazel "qui était un très habile homme auquel tout le monde avait de la confiance et tout ce qu'il disait passait pour des sentences et arrêts irrévocables (sic scribit Antoine Petras) [et avait] dit aux autres contenanciers qu'il ne fallait plus payer cette pension [à l'Hôpital] car les pauvres seraient bien en peine de prouver leur titre".
Après une longue procedure judiciaire, Antoine Petras fit condamner tous les propriétaires à payer toutes les annuités omises et, pour obtenir paiement, fit saisir leurs biens en cette année 1713.
Le moulin ne fait plus parler de lui ensuite.

En août 1766, Claude Vincent Granier, fabricant d'eau-de-vie, rachète toute les parts du moulin. Son compte au compoix de 1664 est ouvert lors de la révision de mai 1769 et mentionne la propriété entière du moulin ; il est annoté, en marge, de la mention "est la maison neuve".
C'est vraisemblablement la "maison Margarot". On n'a pas encore pu établir la date de cette annotation, mais le compoix de 1664 a été tenu à jour et annoté jusqu'en 1790 et aucun changement de propriétaire n'est mentionné pour cet article.
Claude Vincent Granier, dit "Vincent fils d'autre", est alors le "chef" d'une très ancienne famille de Calvisson (un aieul Laurent Granier est cité en 1514), famille très riche ; il est par ailleurs propriétaire du Domaine des Bouillens à Vergèze.

En février 1770, les consuls "baillent plusieurs réparations à faire à la Ville" ; ces travaux, "très considérables", se poursuivront au moins jusqu'en 1776.
Parmi eux, l'élargissement "du pont vers l'église, ... de treize pans (≈ 2,90 m) en direction du sud", article de travaux où est spécifié que "les gorgues qui servent pour conduire les eaux au moulin à huile seront changées tout le long dudit pont".

Ainsi donc, dans ces années 1770-1776, il y avait toujours là, au sud du pont, "le Moulin à huile des Pauvres de l'Hôpital", qui restera la propriété de Claude Vincent Granier, fabricant d'eau-de-vie, au moins jusqu'en 1790. La "maison Margarot" ne sera construite que (beaucoup) plus tard.
Reste à trouver quand et pour quel usage ... Je ne désespère pas d'y arriver.

lundi 6 septembre 2021

Le Moulin des Âmes du Purgatoire

"Le Moulin", emblématique de l'histoire de la Ville, celui qui servit d'assise au premier temple protestant de la Communauté en 1591.
On connaît la partie ancienne de son histoire par une transaction de février 1667, devant notaire, mettant fin à un procès devant le Sénéchal de Nîmes, entre le Syndic du Chapitre de la Cathédrale, demandeur de la restitution du moulin, et les Consuls de la Communauté, défendeurs.

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En novembre 1526, devant notaire, Mre Anthoine Rouveirolly, prêtre -apparemment fort riche-, fait donation de ce moulin à huile au "Bassin des Âmes du Purgatoire". Cet acte n'a pas encore été retrouvé, donc on ne sait pas encore quand ni comment le prêtre l'avait acquis.

Le "Bassin des Âmes du Purgatoire" est alors une œuvre pieuse -les militants prient pour que les âmes soient libérées du Purgatoire et passent au Ciel- gérée par des laïcs -souvent des conseillers consulaires dans les pays méridionaux en régime de consulat- ; il bénéficie de quêtes et de legs, ce qui en fait un "concurrent" des religieux et de leurs œuvres.

Au compoix diocésain de 1548, un article est ainsi libellé (en grande partie en occitan) : "Au Pont ... le Bassin de las Armos de Pecatory, un moulin d'huile avec deux piles (deux passages d'eau) et deux presses (deux meules) et tout autre garniment et puits, confronte du levant (est) Adorny Alies, couchant (ouest) et marin (sud) les carrieres, vent droit (nord) Anthoine Freton".
[Merci à mon mentor et ami Nicolas L., dénicheur émérite, pour ses conseils et critiques bienveillantes qui m'ont permis de trouver ainsi l'évolution depuis "les Âmes du Purgatoire" vers "les Armes"].

Victime collatérale des premières guerres de religion -dites guerres civiles dans la transaction- (1567-1589), le moulin est "entièrement ruiné et démoli sans pouvoir servir à aucune charge".

En 1590, les consuls décident de le remettre en état.
En août 1591, il passent marché, pour le prix de 35 écus (≈ 8 000 €), avec "un maître pour redresser le moulin à huile" ; les travaux sont achevés en octobre 1591.
On fait alors construire un puits pour l'alimenter en eau et le faire fonctionner ; pour ce, "on regardera d'où sera meilleur d'y faire venir l'eau, de la rivière ou du puits viel (ce qui est aujourd'hui la Font Vieille était déjà le Puits Vieil ...)" ; c'est la rivière qui sera finalement choisie.
Il sera dès lors appelé dans les délibérations consulaires "le moulin de la Ville".
Le moulin est ensuite arrenté (donné en location pour exploitation). Sur la demande de l'exploitant, en octobre 1592, on y construira une étable et on y installera une casadouyre (une cuve pour décanter le mélange eau - jus d'olive).

Au compoix dit de 1588 (compoix "commandé" en 1588 mais achevé probablement en 1592), il figure ainsi au compte de la Communauté : "un moulin à huile joignant le temple, confronte du levant Guillaume Portales, couchant et marin les carrieres, vent droit le temple, ..."

Le moulin poursuit ensuite "sa vie normale de moulin à huile". On trouve, çà et là, quelques réparations, habituelles dans la vie d'un moulin.
Et quelques références à son existence : pour exemple, un acte notarié de janvier 1596 concerne l'arrentement (la mise en location) par Jacques Jaumeton, maréchal-ferrant, à Thomas Vignedouze, cardeur, d'une maison "lieudit au Pont, confronte du levant avec la rivière de Caguelaure, du couchant avec un moulin appelé des Armes, d'aure avec les hoirs de monsieur Freton, du marin la rue du Pont".

Au compoix de 1664, on le retrouve mentionné au compte de la Communauté : "un molin à huile près le Pont, confronte du levant et aure (nord) Jean Jaumetton, couchant & marin les carrieres".
Suite à la transaction ci-dessus, il est transféré aux "Âmes du Purgatoire" en juin 1687. La gestion de l'Œuvre (et ses bénéfices...) avait entretemps été reprise par les religieux catholiques.
Bien plus tard, en juin 1762, il sera transféré au compte de Jean Jaumeton, maréchal-ferrant, habitant voisin, déjà propriétaire de la presque totalité de l'îlot d'immeubles : "un moulin à huile près le Pont faisant corps avec sa maison, confronte ... couchant et midi les carrieres."

Au cadastre Napoléon (1835), ce n'est plus qu'une maison "ordinaire", propriété d'un notaire de Bernis. C'est aujourd'hui un magasin de vêtements, au rez-de-chaussée d'un immeuble d'habitation.