vendredi 10 décembre 2021

Métiers, salaires et prix autour de l'an 1600

Quel était le "train de vie" de nos anciens ? Difficile de trouver de façon simple des informations précises, tellement les approches des "spécialistes" sont différentes et compliquées (à l'évidence, ce sont des "érudits", qui s'expriment en langage de "spécialistes"...)

Alors, tout bonnement, j'ai cherché dans les vieux livres récemment numérisés à l'initiative de la Mairie (V°Brozer) si je réussissais à trouver "quelque chose".

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En mars 1590, la Communauté recrute "un espitalier" (un "hospitalier", le gestionnaire au quotidien de l'hôpital des pauvres).
On lui donnera pour son année de service "une demie salmée (≈ 110 litres) de blé mêlé, deux canes (≈ 18 litres) d'huile, quatre livres (≈ 260 €) en argent comptant, un lit garni de quatre linceuls et une couverture" (les *paiements* seront faits en quatre fois échelonnées au long de l'année) ; "et de chaque corps qu'il enterrera, il aura 2 sous et 6 deniers un pan (≈ 8 € par pan -22 cm- de *longueur du corps*) et un pichet (≈ 1,2 litre) de vin, sauf les petits desquels il aura la moitié moins" ; "et [il] sera tenu de porter tout le fumier qu'il fera à la vigne (qui lui est offerte en arrentement) ou à son jardin".

En juillet 1590, la Communauté passe le bail pour la boucherie close (un seul boucher "agréé" chez qui les habitants doivent se servir). Le boucher vendra la livre (≈ 0,490 kg) de bœuf pour 1 sou et 3,5 deniers (soit ≈ 8,60 € /kg) et la livre de mouton pour 2 sous 1 denier (soit ≈ 13,80 € /kg).
En juillet 1592, la viande de bœuf sera à 1 sou 5 deniers la livre (soit ≈ 9,40 € /kg) et le mouton, comme le porc, à 2 sous 6 deniers (soit ≈ 16,60 € /kg) ; de plus, les issues (tête, pieds, peau...) ne seront pas vendues.

En janvier 1591, on passe le bail pour le "fournage" du pain (le four appartient à la Communauté). Le fournier sera payé par les habitants, obligés d'y faire cuire leurs pains et d'apporter le bois nécessaire, 1 sou 4 deniers (≈ 4,35 €) pour cuire 100 pains. De plus, il bénéficiera d'une chambre dans la tour de l'horloge, accolée au four, et on fera percer une porte entre cette chambre et le four.
Au bail de janvier 1592, le prix sera de 4 sous 6 deniers (≈ 14,65 €) pour 100 pains mais c'est le fournier qui fournira le bois.

En avril 1591, le maître d'école demande pour la prochaine année un adjoint -trop d'écoliers à enseigner-, une augmentation de ses gages -150 livres par an (≈ 9 800 €)- et la prise en charge du loyer de sa maison. Les consuls le somment de poursuivre jusquà fin mai et aviseront...
En juin 1591, un candidat se présente qui demande 200 livres (≈ 13 000 €) ; il n'est pas retenu.
En mars 1592, ayant une nouvelle fois "remontré", le maître d'école obtient 170 livres de gages (≈ 11 000 €) mais continuera de payer sa maison.

Fin novembre 1591, "pour se protéger contre les compagnies qui voudraient loger [en ville] sans commission", on "députe" un homme comme "Capitaine de la Santé" pour garder les portes (jour et nuit ?) ; ses gages pour le mois de décembre seront de 12 livres (≈ 780 €).

En mai 1592, les habitants qui creusent le fossé de Fontanille au Griffon gagnent 12 sous (≈ 39 €) par jour de travail ; mais ils doivent apporter leurs outils. Gagne aussi 12 sous par jour le *contremaître* qui rendra compte par "rôle" écrit du travail de chacun.

En décembre 1596, le "ministre de la parole" (le pasteur) obtient 600 livres (≈ 39 250 €) de gages annuels pour 1597 ; le "maître des écoles" continue avec 170 livres.

En mars 1597, le baron offre de vendre à la Communauté 50 salmées de blé qu'il tient à Marsillargues au prix de 30 livres (≈ 1 950 €) la salmée (≈ 220 litres) pour rétrocéder à prix coûtant aux pauvres. Le marché sera finalement conclu pour 30 salmées à 27 livres (le "prix du marché" semble être à 40 livres) avec paiement à fin mai au plus tard ; plusieurs habitants s'engagent à acheter personnellement pour la Communauté si elle ne trouve pas à emprunter la somme nécessaire (≈ 60 000 €).

mercredi 1 décembre 2021

Bains de mer pour M. le Baron

En juillet 1603, M. le Baron veut aller se baigner. Il mande donc par écrit les Consuls pour "qu'on lui envoyât promptement deux bons mulets avec un homme pour les conduire, pour trois jours, pour le porter à la mer ... offrant de payer les journées des mulets et de l'homme".

Il était nuit quand le Consul reçut la lettre et le messager voulait repartir dès le lendemain matin avec la réponse. Devant l'urgence, il était impossible d'assembler le conseil ; mais le consul communiqua la lettre à quelques notables.
Ceux-ci acquiescèrent à la demande et "firent marché" avec Jean D., habitant de la Ville, pour 2 écus (≈290 €) par journée.

L'affaire est examinée au conseil restreint du 3 août ... et est renvoyée à un prochain conseil général.

L'affaire revient en examen au conseil général du 14 décembre suivant. Car... Mais...
"... ils y ont demeuré six semaines, Jean D. veut être payé et s'en prend au Consul qui lui a loué ses mulets ...". Visiblement, le Baron avait *oublié* son offre de paiement.
On fait alors "rouvrir les voix". Votes recueillis et dépouillés, "les journées des mulets et de l'homme qui [les] conduisait seront payées aux dépens de la Communauté jusqu'à la somme de 20 écus (≈2 900 €) cependant que M. le Consul tâchera d'en avoir meilleur marché si se peut faire".

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Je n'ai pas [pour l'instant] trouvé la *fin finale* de l'affaire. Combien Jean D. a-t-il demandé au Consul ? Combien est-il resté à la charge personnelle du Consul ? Le Consul a-t-il ensuite été "relevé" de cette charge après reddition de ses comptes ?

La preuve, dans cette affaire, que l'honneur d'être Consul pouvait être une vraie charge financière.