jeudi 24 juin 2021

Quand les consuls allaient à l'église

Actualisé au 14 octobre 2021

La tradition locale veut que, dès l'implantation de la Réforme en Vaunage, vers 1560-70, la "Communauté et Consulat" de Calvisson ait été gérée par des conseillers et consuls "faisant profession de la Religion Prétendue Réformée".

Mais, découvert parmi les documents anciens récemment numérisés à la demande de la commune (V°Brozer), un article d'un grand "bail de travaux" (36 articles en 23 pages manuscrites) alloué en février 1770 à un maître-paveur de Claret m'a interpellé.

Cet article 30, qui ne fait que 14 lignes, énonce : "Il sera fait au banc de MM. les consuls qui est dans l’église un tapis de drap vert de Lodève ...".
Tout est détaillé : seront couverts le siège, le dossier "jusqu’au haut" et les accoudoirs "par-dessus et par-dehors"... "jusqu’au dossier du banc du Valet de Ville" ; et y seront brodées, "en bosse avec de la soie", des fleurs de lis doubles et les armoiries de la Ville. Même l’écartement à respecter entre les "petits clous jaunes" pour "arrêter la tapisserie" est précisé : 6 lignes, soit ± 1,35 cm. ...
Mais les consuls pourront choisir la couleur de la soie …
Et sera aussi fait un portillon, fermé par une serrure à clef, à chaque extrémité du banc.

Ainsi donc, dès avant ce temps, les consuls de Calvisson, les conseillers et notables du "conseil politique renforcé" -c'était alors son nom-, et vraisemblablement la plupart des habitants du village, par obligation, discipline, fidélité ou conviction, avaient pour habitude de participer au culte dans l’église.
Nous étions alors dans un régime de Royauté catholique (Louis XV) où la répression était peut-être moins rude que dans les années 1690-1720. Mais peut-on imaginer que le prêche protestant ait été fait dans l’église Saint-Saturnin, alors même qu’un curé y était attaché ?

Ou alors ... Y aurait-il eu des conseillers, voire des consuls, catholiques ?

La mention d'un "premier consul catholique" et d'un autre consul sous-entendu "de la Religion" apparaît au conseil général du 13 janvier 1641 (V°Brozer). Depuis, on trouve plusieurs élections distinguant les consuls selon leur religion, le catholique étant toujours "premier consul".

Ainsi, au conseil général du 2 janvier 1650 (V°Brozer), "procédant à l'élection & nomination des consuls pour la présente année mil six cent cinquante", chaque habitant nomme explicitement deux consuls, précisés "catholique" ou "de la religion" (quatre noms). Sont finalement "nominés" les quatre (deux et deux) ayant recueilli le plus grand nombre de voix ; et le premier consul est "catholique", le second "de la religion".
Il y a en plus 31 conseillers, dont 4 pour Sinsans et 4 pour Bizac. Sont aussi "nommés" 2 "estimaires", 2 "recteurs", 2 "carreiriers" (chargés de la gestion des rues et chemins), 2 "visiteurs de pain, poids et mesures" et 2 "coequateurs".

En février 1667 (V°Brozer), la compagnie délibère pour proroger les sept conseillers catholiques du "conseil reiglé et à demi partie", ... "attendu qu'il n'y a point d'autres catholiques dans le présent lieu que les sept qui sont en charge", et pour remplacer par nomination-élection les sept conseillers de la "Religion Prétendue Réformée".
Cette partition stricte demeurera au moins jusqu'en 1679 ; et pendant tout ce temps, le "curé du présent lieu" fera partie, es-qualités, des conseillers catholiques.