dimanche 24 avril 2022

Le premier temple de Calvisson

En continuation de l'article précédent, il m'a paru opportun
d'actualiser et rajeunir mon article du 27 septembre 2021
repris en date de novembre 2021 de façon partielle, approximative et partiale
sur le site Internet d'una association locale.

Où était-il ?
Une question qui agite depuis longtemps l'esprit des "Historiens Anciens de Calvisson".

Parmi les anciens, certains le situent dans le bâtiment abritant actuellement le restaurant "Carpe Diem" ; d'autres le situent "rue Baratier", sans autre précision. Mais aucun n'apporte de preuve tangible à sa théorie ... Et puis ...

En début d'année 2021, la Mairie a fait numériser plus de 30 000 pages de documents anciens déposés aux Archives départementales.
Parmi ceux-ci, le compoix -ancêtre du Cadastre- dit de 1588 -année où sa confection fut commandée à Jehan Lartigue ; il fut vraisemblablement achevé beaocoup plus tard, car le Consul Anthoine Rabinel le reçut en janvier 1598 quand il alla le chercher à Montpellier (V°Brozer)-, où l'on trouve le compte recensant les possessions de "la Ville et Communauté" (V°Brozer), dont voici extrait :


On peut ainsi y lire -paragraphes surlignés- :
- "Plus un maison servant de temple près du pont confronte du levant Guillaume Portales couchant la carriere vent droit le Sieur Freton midi le moulin à huile de la communauté contient onze dextres (≈ 220m²) estimé ..." et
- "Plus un moulin à huile joignant ledit temple confronte du levant Guillaume Portales couchant & marin les carrieres vent droit le temple susdit estimé ..."

Et au compte de Guillaume Portales : "un jardin au pont confronte du levant Dournin Allier couchant le moulin de la ville vent droit Louis de Freton midi le pont" (V°Brozer haut de la page de gauche).
Puis, au compte de Dournin Allier : "un jardin au pont confronte du levant la rivière couchant Guillaume Portales vent droit Louis de Freton midi le pont" (V°Brozer haut de la page de droite).
Enfin, au compte des Hoirs de M. Freton : "un jardin à la Font Vielle confronte du levant la rivière couchant la carriere vent droit l'autre carriere midi la Communauté" (V°Brozer haut de la page de droite).

Ce qui permet de le voir tracé sommairement ainsi sur le plan Napoléon de 1835 :

Viennent s'ajouter d'autres éléments pour dénier que le bâtiment du Carpe Diem ait jamais été le premier temple protestant de Calvisson :
- ce premier temple fut installé dans ou près d'un moulin à huile appartenant à la Communauté ; tout le monde s'accorde sur ce point ;
- or le bâtiment abritant le "Carpe Diem" fut de tout temps un moulin à blé appartenant à "des particuliers", essentiellement la famille Valz.

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On trouve l'histoire de la construction du Temple dans les conseils consulaires des années 1590-1592 (un des registres numérisés par Brozer-Téléarchives pour la Mairie).

La première mention en est du 20 janvier 1591 : "il faut trouver un lieu -un emplacement-" (V°Brozer).
Jusque là, le prêche est fait dans le moulin à huile de M. Bartholomy De Fabrica (dans l'actuelle rue de l'Herboux).

Les 3 et 4 mars 1591, on décide que le temple pourra se faire dans le moulin à huile, aussi appelé moulin commun et/ou moulin de la ville (son nom "de baptême" est "Moulin des Armes" et/ou "Moulin des Âmes du Purgatoire") ; il a été mesuré et le terrain s’avère assez grand pour faire un moulin et un temple en même temps.

Guillaume Turc se propose pour le faire, au prix de 565 livres (≈ 36 000 €). Sa proposition est acceptée et le contrat passé devant notaire.

Le 11 mars 1591, Jehan Barre et Claude Nozieres, deux habitants, font valoir leurs droits et titres sur le moulin et contestent : le temple prendrait les deux tiers du bâtiment et le tiers restant serait trop petit pour leur permettre de continuer à en faire un moulin.
Ils semblent avoir raison, car une vigne de quatre journaux, assise à Girondelle, leur est allouée en compensation (il y aura problème car cette vigne appartient à l’hôpital des pauvres).

La Communauté manque d'argent ... Alors, les 24 février, 18 mars et 24 mars 1591, le capitaine Saurin, rentier de l’église, prête 400 livres (≈ 25 000 €) pour la construction du temple et, sur sa demande, cinq habitants s’engagent envers lui en garantie, sur leurs deniers personnels.

Les 12 et 15 mai 1591, M. de Fabrica demande que la ville paie la taille pour son moulin et même d’avoir salaire ou récompense pour que le prêche y continue.
Les consuls demandent alors au pasteur s'il accepterait d'aller prêcher au "temple vieux" (vraisemblablement l'église Saint-Saturnin). La réponse semble être favorable puisque les habitants sont alors appelés à réparer ce "temple vieux", sous peine d'amende.

Le 14 juillet 1591, est à vendre un jardin voisin, appartenant aux héritiers de Dournin Allier, qui permettrait d’agrandir le temple. Le conseil refuse d’acheter.
Puis, le 18 août 1591, en conseil général, les consuls renouvellent leur proposition d'achat de ce jardin ; mais les habitants maintiennent leur refus. On n’agrandira donc pas le temple.

De septembre 1591 à septembre 1592, la construction avance, mais lentement...
Des difficultés sont rencontrées avec Guillaume Turc ; il y a des malfaçons.

On fait construire des ajouts au moulin à huile pour Barre et Nozieres : une étable, un grenier à olives.
Puis une "casadouïre" (une cuve posée à la sortie des meules pour décanter le mélange eau-huile) est achetée pour le besoin de l'exploitant du moulin.

Fin 1592, le temple n’est pas achevé.

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Le registre des délibérations consulaires des années 1593 à 1595 ne nous est pas parvenu. Mais le 10 mars 1596, un conseil général est tenu dans le temple à l'issue du prêche.

Malgré son étroitesse (constatée déjà en janvier 1601) et le bruit du moulin voisin, le temple sera servi jusque dans les années 1647-1648, quand un nouveau temple, plus grand, sera construit, à l'emplacement du temple actuel.

Progressivemenr démoli pendant les années 1649-1650 pour servir de matériaux de construction au nouveau temple, son "plat fonds" sera vendu, après plusieurs mises aux enchères infructueuses, en décembre 1653 à Jean Jaumeton, maréchal-ferrant, habitant voisin.

Un nouveau bâtiment y sera construit plus tard, dans lequel Philippe-Laurent de Joubert, Trésorier des États du Languedoc, installera dans les années 1780 une fabrique d'eau-de-vie où seront menées des expériences -concluantes- pour augmenter la production et en améliorer la qualité.
C'est aujourd'hui, au début de la rue Baratier, une simple remise, au rez-de-chaussée d'un immeuble d'habitation.

Un espoir, peut-être ... La Mairie faisant apposer un "plaque-souvenir" rappelant cet événement marquant de l'histoire de la Ville. Pour exemple :


jeudi 21 avril 2022

Le deuxième temple de Calvisson

On le trouve ainsi décrit au compoix de 1664, au compte de la Communauté : "Un temple avec ses degrés célestes et aiziments (= aisances) le tout joignant ensemble ... confronte de toutes parts les carrières, contient de couvert vingt-deux dextres trois quarts (≈ 455m²), degrés célestes ou aiziments huit dextres trois quarts (≈ 175m²), estimé ...".
Il est transféré sur le compte "Les habitants faisant profession de la Religion Prétendue Réformée" en mars 1672, lors de la création de ce dernier compte.
(Même après avoir été démoli, le Temple ne sera pas radié du compte de la R.P.R., alors que les autres possessions ont été radiées au fur et à mesure de leur cession.)

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Tous les événements relatés ci-après peuvent être retrouvés sur le site Internet de Brozer TéléArchives (V°Brozer) dans les délibérations consulaires (série BB) des années 1647 à 1650.

Le premier temple, construit en 1591-1593 au début de la rue Baratier, s'était vite, dès 1601, révélé trop petit et bruyant à cause du moulin à huile voisin. Puis au fil du temps, "étant tout à fait au bout du lieu, il [en résulte] de grandes incommodités en temps de pluie et mauvais temps, ... il est si petit qu'il ne peut pas contenir la moitié des habitants".
Au conseil général du 3 novembre 1647 (V°Brozer), "ont délibéré les habitants unanimement ... qu'il vaut mieux faire un plus grand temple en un lieu plus commode que de raccommoder [l'actuel] qui ne pourrait jamais rien servir après y avoir beaucoup dépensé" et donnent charge au consul, assisté de huit ou dix "bons habitants", de "choisir un lieu et acheter au meilleur prix ...".

En avril 1648, un Conseil général confirme le projet ; on a choisi pour "plat-fonds" la maison appartenant autrefois à M. de Nages (vraisemblablement François de Barrière, seigneur de Nages - Compoix de 1588), dont M. de Boucoiran vient d'hériter.
Puis début mai 1648, on va à Marsillargues pour demander au Marquis s'il agrée la construction du temple. Fin mai, on fait marché avec M. de Boucoiran (vraisemblablement Louis de Calvière, Baron de Boucoiran, Président au Présidial de Nîmes) pour 900 livres (≈ 33 500 €) payables dans 4 ans avec intérêts de 5%, soit 45 livres (≈ 1 675 €) par an.

En janvier 1649, on décide que les habitants devront "commencer à démolir certains membres [de la maison] et creuser les fosses pour faire les murailles du temple" ; et "pour conduire l'œuvre un maître maçon sera payé quinze livres (≈ 560 €) et ses compagnons huit livres pour travailler pendant quatre semaines qui sont vingt-quatre jours ... et nourris par les habitants".
Journées de travail et paiement de la nourriture pour les maçons seront supportés par les habitants "suivant [leur] présage".

Début avril 1649, après consultations et négociations, on fait marché avec un maître-maçon de Montpellier pour "l'édification des murailles —de hauteur suffisante et trois pans d'épaisseur, deux portes, l'une du côté du levant et l'autre du côté du couchant, et les fenêtres nécessaires d'une canne de longueur et quatre pans de large— au prix de quatre livres la canne carcade (= carrée ?) tant pleine que vide" et pour "la façon de deux arches en croix d'un coin à l'autre sur le mur du levant et de la chaire du pasteur [avec un] degré à deux montées et balustres", au prix négocié de cinq cent cinquante livres, plus "un demi vaisseau de vin rouge et un homme et une mule [pour que le maçon puisse transporter son matériel depuis sa] maçonnerie".
Puis on va à Mus chercher les deux-cents quintaux (≈ 10 tonnes) de "bonne pierre de taille" que le maçon dit nécessaires et on fait venir de Combas la chaux qu'il faudra employer au fur et à mesure.

Mi-juillet 1649, après avoir pris l'avis d'un maître-charpentier de Montpellier, Consul et Viguier vont à Beaucaire pour acheter le bois nécessaire à la charpente du Temple.
Mi-août, le bois est arrivé par bateau depuis Beaucaire au Pont de Laute, près Le Cailar, où on a commencé à le décharger. Il faut le ramener au plus tôt mais les habitants sont réticents, la Ville est fermée depuis le 9 août pour cause d'épidémie ; aussi la Communauté paiera les journées de ceux qui accepteront de le charrier.

Fin août 1649, un conseil général décide que par souci d'économie les murs du temple ancien —de 1591-1593, rue Baratier— seront démolis pour en utiliser les pierres, notamment celles des fenêtres.

Fin octobre 1649, la Communauté a emprunté déjà 2 400 livres pour le temple ; aussi, on décide en conseil général qu'on fera un rôle d'imposition pour 3 000 livres (pour comparaison, la dîme annuelle est de montant similaire).
En conséquence on imposera "trente-deux tailles de présage (= 32 fois l'estimation de tous les biens imposables) tant sur le compoix terrien que cabaliste sur tous les habitants et contribuables aux tailles du présent lieu faisant profession de la Religion Prétendue Réformée, les Catholiques exemptés".

En février 1650, on fournit au maçon "deux ou trois douzaines d'aix de pibou ou de fraix (de planches de peuplier ou de frêne) ... pour lui servir aux hauts du temple" (vraisemblablement pour coffrer les arases) ; mais on lui refuse la "corde de vingt cannes [qu'il demande] pour monter les pierres". Puis on fait démolir le degré (= l'escalier) du temple ancien pour en récupérer les pierres rassières qui manquent pour le nouveau.

Fin mars 1650, on fait marché avec un maître-charpentier de la ville d'Uzès qui, pour le prix de 400 livres, fera "toute la charpenterie, ... couvrir avec des tuiles, ... la tribune dedans la muraille du côté du midi ... et le couvert de la chaire du pasteur".
Le prix convenu sera agrémenté par l'attribution d'un demi-vaisseau de vin rouge.

En mai 1650, il faut acheter -et payer- du bois pour les combloux (= les liteaux ?) de la charpente et de la chaux ... et maçon et charpentier demandent à être payés.
Mais la Communauté ne trouve pas à emprunter pour ce faire.
Aussi, on approuve en conseil général "une cueillette d'argent" auprès d'un petit nombre d'habitants °désignés volontaires° en avance d'une prochaine imposition. Mais cette "cueillette" est insuffisante...
Début juin, on décide donc de faire un rôle de 2 000 livres pour "une imposition de vingt-une tailles tant sur le compoix terrien que cabaliste de ceux de la R.P.R., les Catholiques exemptés".

En juillet 1650, on achète, pour 110 livres, une maison voisine du temple qur l'on démolira pour en récupérer les pierres de taille. Puis on fait ferrer les portes et les fenêtres.

En août 1650, l'œuvre est presque achevé. On fait agencer le banc du consistoire par le charpentier ; puis construire un escalier à deux marches tout autour du temple, paver le sol de bars et bâtir deux escaliers avec porte pour monter à la tribune et "trois colonnes d'ordre ionique" pour la soutenir.
Pout tout leur ouvrage, passé et à venir, les maçons seront payés 1 800 livres, à charge en sus de "ranger les sièges de la place publique (mettre en rang = construire en alignement ? les bancs de la halle couverte récemment édifiée, où s'installent les °petits marchands°)".
On a aussi fait poser sur le couvert des gorgues (= des gouttières) au bas des deux pentes, une pomme et une girouette, le tout en fer blanc.

En novembre 1650, on définit l'emplacement du banc des consuls : un banc de quatre places, au degré le plus bas (= au premier rang) sous la tribune, entre les deux colonnes du côté du couchant. Et la "Compagnie Ecclésiastique (= le Consistoire ?) donnera [leurs] places aux hommes et aux femmes dans le Temple".

Fin novembre 1650, le Temple est achevé.

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Une énumération chronologique un peu °litanique° mais qui m'a paru intéressante pour imaginer le bâtiment et approcher les us de l'époque.
Le Temple aura coûté au total plus de 5 000 livres (≈ 185 000 €) aux habitants R.P.R. de la Ville.
Pour comparaison une propriété agricole contenant en plusieurs parcelles près de 14 000 m² de terres, 6 800 m² de vigne et 3 500 m² d'oliviers a été vendue dans la même période pour 960 livres. Et une maison de 100 m² plus sa cour située dans le quartier du Temple est vendue au prix de 520 livres.

Le Temple sera démoli, dit-on, en 1685. Il est en tout cas avéré que le maçon qui reconstruit et agrandit l'église Saint-Saturnin en 1686 (voir mon article du 8 février 2022) "prend en paiement les matériaux provenant de la démolition du Temple ... consistant en pierre de taille, rassière, bois, tuiles, fers et vitres ... pour la somme de 700 livres (≈ 21 600 €)"

jeudi 7 avril 2022

Le cépage Alicante

À lire les gazettes de la fin du 18è siècle, on se rend compte que le vin d'Alicante était alors très prisé. Pour exemple, on trouve cette petite annonce au "Journal de Nismes" du 12 juin 1788 (V°ici) : "vends vin d'Alicante 1ère qualité à 48 sous (≈40 €) la bouteille, le verre compris".
C'était alors le prix du muscat de Lunel, plus cher que des vins parmi les meilleurs Bordeaux.
Pour comparaison, le vin de Tavel était vendu 16 sous, verre compris aussi.

Était-ce cette faveur qui avait incité, à la même époque, des vignerons du Gard à introduire "des plantes étrangères, connues vulgairement sous les noms de Spart (= Mourvèdre), d'Aramon, de Carignan, d'Alicante (= Grenache) et de Mourastel (= Mor[r]astel ?)" ? La Société d'agriculture du département de l'Hérault mit en concours, en mai 1812, un mémoire sur les mérites de cette °innovation° (V°ici).
La Société admettait cette "détermination ... de donner à nos vins plus de corps, de couleur qu'ils n'en avaient auparavant, attendu que cette dernière qualité est une de celles qui en procurent un débouché plus prompt, plus sûr et plus avantageux."
Mais "ces espèces étrangères [donneraient] des produits moins assurés que ceux que l'on obtient des espèces du pays ; on les croit plus susceptibles que ces dernières d'éprouver l'impression des divers météores (= aléas climatiques) qui se manifestent souvent à l'époque du développement du bourgeon et à celle de la floraison ; on leur reproche surtout d'être extrêmement sensibles à l'influence des gelées tardives."

En 1868, le phylloxéra fait son apparition dans le Gard (à Générac ?) ; puis il est confirmé à Redessan en juillet 1869 (V°ici).
En septembre-octobre 1869, le cépage y apparaît extrêmement sensible, plus que l'Aramon et le Carignan, également atteints.