dimanche 12 janvier 2025

Quand la justice était vraiment "de proximité"

En décembre 1775 (V° Brozer), "le Conseil politique de la Communauté de Calvisson assemblé à l'issue des Vêpres dans l’Hôtel de Ville" décide, sur proposition du Premier Consul Maire, que sera créé un "Bureau en règle pour ce qui concerne la petite police".
Quatre conseillers sont alors nommés "policiers".

En août 1778 (V° Brozer), est énoncé par le 1er Consul Maire dans le compte-rendu d'une réunion de ce bureau, renouvelé à chaque élection consulaire :
"... au mépris des arrêts de règlement et défense faits par la police, ... journellement ... plusieurs particuliers du présent lieu, leurs femmes, enfants et domestiques ... [font] des ordures et saletés aux fontaines ... en y lavant leurs lessives, herbes et salades terreuses, de même que les tombades et frétures des moutons et agneaux, ... et autres immondices capables de corrompre et infecter les eaux des fontaines qui sont de prix inestimable pour l'utilité des habitants ... la femme de Pierre E. dite V. fut trouvée lundi dernier ... à laver des tombades ou frétures de mouton dans la première pille (le premier bassin où arrive l'eau la plus claire pour le rinçage) de la fontaine de Flurant, qui est la seule réservée pour le public pour prendre de l'eau ou l'abreuvage du gros bétail ..."

Ladite femme V., immédiatement amenée devant les policiers par le Valet de Ville, avoue "n'avoir lavé qu'au bas de cette première pille ... et n'a pas cru que cela peut infecter les eaux".

Tenant compte de sa comparution et de son aveu, le Bureau la condamne "à l'amende de 12 sols (9 € aujourd'hui) ... avec défense de récidiver sous plus grande peine".

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Quelques années plus tard, pendant la Révolution, existait dans la commune un "règlement de police applicable aux pauvres".

En octobre 1790 (V° Brozer), au matin, 5 gardes nationaux calvissonnais, en patrouille sous la conduite d’un capitaine, "trouvent du monde à boire chez Antoine D., aubergiste, auquel ils disent de les mettre dehors". L’aubergiste répond qu’il a le droit de servir à boire jusqu’à 10 heures.
Visiblement, il n’est pas 10 heures, car "la patrouille se retire".

Une deuxième patrouille, après 10 heures, "trouve encore du monde à boire chez ledit D., des étrangers et des habitants de la ville".

Une troisième patrouille, "sur les onze heures", trouve "deux personnes au rez-de-chaussée … ayant une bouteille pleine de vin, et dans une pièce au premier étage quatre personnes … assises autour d’une table sur laquelle il y avait une bouteille vide".
L’aubergiste répond que "ceux-ci ne boivent plus" ; alors "la patrouille se retire sans bruit".

Rapport des patrouilles est fait le soir même au conseil des officiers municipaux, réuni spécialement pour cette affaire. Procès-verbal en est dressé.

Sur réquisition du procureur de la commune, l’aubergiste est convoqué incontinent. Après qu’il ait été entendu, il est condamné à une amende de 6 livres (≈ 84 € aujourd’hui) au profit des pauvres de la commune. ... Apparemment sans possibilité d'appel ...

jeudi 2 janvier 2025

Le Roi coûte -de plus en plus- cher

Actualisé en janvier 2025

Tout au long de leurs règnes, les rois de France ont mené des guerres qui les ont enrichis, ont aidé au °prestige° de leurs courtisans nobles, ... et ont appauvri les communautés provinciales et leur "bas peuple", obligées de fournir des hommes pour en faire des "miliciens", des mulets pour le bât et le trait, ainsi que d'assurer le "casernement" des troupes.

Les plus prégnants ont été les Bourbons : Louis XIII, Louis XIV et Louis XV, dits "les grands rois" dans le "roman national", cumulent plus de 100 ans de guerres diverses en 164 ans de règnes.

Les registres des délibérations et des comptes consulaires retracent les obligations ainsi mises à la charge de la Communauté, que ce soit en argent, en hommes et animaux ou en nature.

Pour exemples :

En monnaie : imposition des deniers royaux
Date du conseil Montant du mandement
Livres ; Sols ; Deniers
Valeur aujourd'hui en Euros Valeur de la livre en Euros
26 février 16231 288 ; 18 ; 643 90834,06
21 mars 16384 714 ; 4 ; 4160 64334,76
20 mars 16394 947 ; 8 ; 6168 59034,07
25 mars 16406 475 ; 6 ; 3167 15525,81
24 mars 16417 121 ; 15 ; 10183 84325,81
13 mars 16437 401 ; 7 ; 5182 37924,64
21 février 16448 299 ; 14 ; 1209 01825,18
3 juin 16465 550 ; 5 ; 6125 53222,62
11 janvier 165110 675 ; 14 ; 2241 45322,62
15 juillet 16537 666 ; 16 ; 2173 40122,62
Pour comparaison, montant des deniers municipaux 1636→1646 : 600 livres ;
pension annuelle versée par la Ville au Marquis : 300 livres

Pour le casernement des troupes °de passage°, en avril 1635, 20 soldats sont "logés au logis du Cheval Blanc", pour une seule nuitée ; il en coûtera 30 livres (un peu plus de 1 000 €) à la Communauté.
Plus tard, de mars 1745 à juin 1769, par 12 fois, la Ville dut fournir le gite et le couvert pour 50 à plus de 300 soldats, parfois pendant 10 jours ; elle s'était entre-temps dotée de casernes ...

Certes, le Roi remboursait la Communauté des dépenses qu'elle avait faites. Théoriquement ... Au mieux avec un grand décalage ... Et le payeur était le plus souvent le Diocèse de Nîmes, catholique donc, sur ses °deniers ordinaires° ... Et Calvisson avait la réputation d'être une Communauté °protestante°, aux divers sens du terme ...

En août 1636, la Communauté doit °fournir° 12 soldats avec leurs armes, ... et payer le voyage de l'émisaire de Charles de Schomberg, duc d'Halluin, Gouverneur du Languedoc, venu les réclamer ; en juin 1639, il faut désigner 13 soldats, avec leurs mousquets ... et payer plus de 190 livres (≈ 6 500 €) pour leur °entretien° pendant 45 jours ; en novembre 1641, ce sera 4 soldats ... seulement, mais 10 soldats en juillet 1642.

Quant au °prestige° des courtisans nobles, ... En février 1645, le Marquis prend une ordonnance (V° Brozer) pour que "aucun [de Calvisson] n'ait à aller à la guerre sous un capitaine autre que du régiment de son fils (en fait son neveu, Jean-François de Trémolet-Bucelli, Marquis de Montpezat, à qui il avait °cédé° son régiment)" et envoie une lettre aux consuls dans laquelle il menace que "il s'en prendra contre les pères, oncles & parents de ceux qui [ne respecteront pas cette ordonnance]".
Déjà en août 1632, le seigneur, qui n'était alors que baron, avait demandé aux consuls que lui soient payés les frais d'entretien de son régiment (le premier, "d'hommes de pied", levé en 1622), "disant qu'il se paiera en blé, en huile ou en mulets", et menaçant, à défaut, de faire loger "toute sa gendarmerie" ou de "faire courir sur [les habitants]".

À suivre