lundi 11 octobre 2021

Les cloches de la Ville

Chaque jour, du matin au soir, la cloche de l'horloge municipale rythme la vie des habitants.

Une cloche dont l'histoire semble bien connue : refondue en 1661, pour un poids d'environ 800 kg, et alors installée sur le temple protestant de la Calade à Nîmes, délaissée après démolition de ce temple à cause de sa dédicace, achetée par la Communauté de la Ville de Calvisson, elle aurait été installée en 1696 (V°ici §15) sur la tour du "Grand Four" (croquis de décembre 1698, par le notaire Antoine Petras, dans le Terrier du Bureau de Charité - V°Brozer).

Puis elle fut installée dans le campanile de la mairie où elle sonne aujourd'hui. Mais quand ?
Vers 1760, à l'achèvement de la première Maison consulaire de la Grand-rue ? Ou vers 1850, après construction du bâtiment actuel ?

Voilà pour "notre cloche d'aujourd'hui". Mais avant ?... Remontons le temps...

* * * * * * *

Au conseil consulaire du 20 janvier 1591 (V°Brozer) on profite de la présence en ville d'un fondeur pour envisager "de lui faire faire une cloche de 25 quintaux (alors de livres, soit environ 1 225 kg) pour faire un reloge (une horloge)".
Le fondeur est présent au conseil suivant (10 février) ; il demande 30 livres (≈1 900 €) par quintal et refuse le délai de paiement souhaité par la Communauté. On ne fait donc pas marché avec lui mais on lui paie "la dépense de bouche qu'il a faite durant quelques jours qu'il a séjourné en ce lieu".

Le registre 1593-1595 absent, on ne retrouve mention d'une cloche qu'au conseil du 30 juin 1596 : les consuls ont fait réparer à Montpellier "le rouage servant à la grande cloche du reloge jadis du présent lieu..." ; il semble bien que cloche et horloge étaient "en panne" depuis quelque temps déjà ...

Mais le 9 novembre 1596 (V°Brozer) arrive la cloche que "les consuls ... ont fait faire dernièrement en Avignon, ... mise dans le four maison commune de la ville en attendant le maître ingénieux de Nîmes qui doit venir pour la monter au sommet de la tour. Elle pèse 23 quintaux 65 livres (≈1 160 kg) [et a coûté] ... 851 livres et 8 sols (≈53 500 €)".
Le levage est entrepris le 12 novembre (V°Brozer), par 8 hommes sous la conduite de 3 "maîtres ingénieux" ; mais à 1,30 m de haut, les cordes cassent et la cloche retombe ... sur le tas de fagots qu'on avait mis dessous par précaution, ... donc sans dommage. On range alors la cloche. Et le levage reprend le surlendemain 14 novembre ; cette fois-ci en utilisant "un engin nommé *la cabre* (une chèvre)" et "de grosses tortoryères (cordages) des moulins". Au bout de 3 heures, la cloche, "laquelle donna beaucoup de peine", est au sommet de la tour.

On reparle d'une campane au conseil du 3 septembre 1623 (V°Brozer) : celle de la ville semble alors brisée ... On décide donc que les habitants de Sinsans prêteront la leur "jusqu'à ce qu'on ait plus de moyens pour en faire une autre plus grande".
Mais cela ne se fait pas. Alors, au conseil du 19 novembre, (V°Brozer) on décide de s'accorder avec un fondeur ambulant pour une cloche de 15 quintaux (≈730 kg).
La cloche sera fondue le 10 mars 1624. Après quelques difficultés de paiement du prix au fondeur, qui finalement "la libère" contre un acompte, la cloche est portée et rangée dans le four commun avant d'être levée. Puis on va à Aimargues chercher des barres de fer suffisamment solides pour la suspendre.
Enfin (V°Brozer bas de la page de droite) "le 22 mars 1624, la campane neuve a été montée sur la tour de Calvisson, laquelle pèse quinze quintals soixante une livres (≈765 kg)".

En mars 1632, on s'apercevra que la cloche a été mal posée et "est en grand danger de tomber". Deux habitants "accomoderont la campane comme il sera de besoin".

* * * * * * *

Aucune autre cloche n'est mentionnée ensuite dans les délibérations consulaires jusqu'en 1678, et les registres des années 1679 à 1705 ne nous sont pas parvenus.
En toute hypothèse, en mars 1624, la cloche n'a pas été montée sur le temple, elle ne pesait pas 179 quintaux (≈8,76 tonnes !*) et elle ne s'est pas abattue sur le sol en 1632.
Contrairement à ce qu'affirment les tenants de la °Théorie des Historiens Anciens de Calvisson° ...

*8,76 tonnes ... et un volume en conséquence !... Pour comparaison, le bourdon de la Cathédrale de Nîmes pèse environ 2 tonnes, et celui de la Cathédrale de Montpellier 4 tonnes.
La "cloche de Calvisson" aurait été, à l'époque, parmi les cinq plus grosses en France.
À lecture des délibérations consulaires, peut-on envisager que notre Ville ait eu alors des moyens de transport et de manutention suffisants pour un tel "monument" ?
Et la Communauté, impécunieuse en permanence, aurait-elle disposé des finances nécessaires pour une telle dépense (métal, transport et manutention) ?

À la simple lecture des documents anciens numérisés en début d'année 2021 à l'initiative de la Municipalité (V°Brozer), reprendre cette affirmation du poids, publiée déjà dans les premières années du 20è siècle, peut-il résister à une analyse, même seulement sommaire, de sa vraisemblance ?...

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